mercredi 24 octobre 2012

La pensée de Tariq Ramadan (4)


Tariq Ramadan occupe une place trop souvent laissée libre dans le monde islamique : celle des intellectuels musulmans croyants et pratiquants qui cherchent à unir le monde de la religion (musulmane) avec le monde moderne (et ses valeurs occidentales). Cet article est la deuxième partie d'un texte dans lequel je  présente d'une façon succincte l'essence de la pensée de cet auteur. (Les références sont celles de l'édition en anglais « What I believe », publié par Oxford University Press, 2010.) Pour lire la troisième partie, cliquez ici.
Selon Tariq Ramadan, si l'on parle beaucoup des musulmans à notre époque, c'est en partie à cause de la volonté européenne de les définir comme une entité différente : culturellement et spirituellement. Cette volonté historique se heurte de nos jours à une visibilité plus importante qu'il y a quelques années et par les problèmes sociaux qui sont identifiés – à tort – comme d'origine ethnique (p. 81). 
L'auteur estime que l'esprit européen a toujours souhaité effacer la contribution des intellectuels et des scientifiques musulmans au projet européen. Cette tentative d'élaboration identitaire est mise à mal aujourd'hui, lorsque la présence des citoyens musulmans devient plus visible et s'ajoute à l'immigration toujours réelle en Europe : la peur de la pluralité religieuse et culturelle amène à un repli sur soi réducteur et regrettable (p. 82).
Selon l'auteur, « l'Europe et l'Ouest ne peuvent pas survivre s'ils continuent de se définir eux-mêmes en termes d'exclusion et en opposition à un Autre – l'islam ou les musulmans – dont ils ont peur. » Ainsi, l'Europe doit accepter sa diversité – héritage du passé – et se projeter vers l'avenir en faisant des musulmans des citoyens comme les autres.


De leur côté, les musulmans ne doivent pas viser seulement leur « intégration », mais prendre conscience de leur contribution importante à l'édification européenne. Les musulmans qui y résident doivent réaliser qu'ils partagent en fait les mêmes valeurs que les citoyens européens et de l'Ouest (p. 84). 
À propos de l'islam, Tariq Ramadan suggère une « réforme radicale » afin d'ouvrir les débats sur les fondements de cette religion. Il remet en cause les catégorisations et les méthodologies originelles et suggère une démarche qui aboutirait à une réforme créative de transformation (p. 85).
En ce qui concerne la diversité en Europe, l'auteur note qu'elle est une réalité et que les sociétés européennes doivent le réaliser et construire un nouveau futur basé sur la volonté politique, un projet commun pour la société et une véritable « philosophie du pluralisme » (p. 90).
Si cette démarche ne se réalise pas, ce sont alors les principes essentiels de la démocratie qui seront mis en danger, avec les avancées du pluralisme politique dans lesquels l'Ouest tire sa fierté. En d'autres termes, il s'agit de sauver « l'âme de l'Europe » (p. 91).
Tariq Ramadan rappelle que l'immense majorité des musulmans respectent les lois du pays dans lequel ils vivent, qu'ils parlent la langue commune et qu'ils s'impliquent dans tous les domaines de la société : intellectuels, sociaux, politiques... Pourtant, un sentiment d'insécurité croît au sein des sociétés qui pensent que les jeunes musulmans ne s'intègrent pas et que l'islam est réellement le problème (p. 92).
Cette différence – entre la réalité et l'opinion publique – s'explique par le rôle des médias qui se concentrent uniquement sur les discours extrêmes et les situations les plus critiques. Qu'il s'agisse des attentats terroristes, de l'intervention publique d'ex-musulmans, de films opposés à l'islam, de caricatures... le rejet des musulmans par la société ne peut être que la conclusion logique de l'importance démesurée qu'on leur accorde (p. 93).

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