lundi 22 octobre 2012

La pensée de Tariq Ramadan (3)


Tariq Ramadan occupe une place trop souvent laissée libre dans le monde islamique : celle des intellectuels musulmans croyants et pratiquants qui cherchent à unir le monde de la religion (musulmane) avec le monde moderne (et ses valeurs occidentales). Cet article est la deuxième partie d'un texte dans lequel je  présente d'une façon succincte l'essence de la pensée de cet auteur. (Les références sont celles de l'édition en anglais « What I believe », publié par Oxford University Press, 2010.) Pour lire la deuxième partie, cliquez ici.
Un sujet sur lequel Tariq Ramadan est régulièrement interrogé est celui de la place des femmes dans l'islam. Selon lui, si « l'islam n'a aucun problème avec les femmes, les musulmans semblent réellement avoir de sérieux problèmes avec elles » (p.62). 
L'auteur distingue deux courants principaux de pensée : le premier qui favorise une lecture littérale des textes saints, qui possède une vision patriarcale de la femme et qui définit le rôle de celle-ci par rapport au rôle qu'elle doit tenir face à l'homme. Le deuxième courant de pensée – qui correspond à l'approche réformiste – dépasse le contexte historique des textes afin de définir la femme comme un être indépendant de l'homme et qui doit être maître de son propre sort (p. 63).
Tariq Ramadan affirme que le discours islamique sur les femmes a été largement influencé par des cultures patriarcales et que certaines pratiques – qui n'étaient pas islamiques – sont devenues habituelles et acceptées : excisions, mariages forcés, crimes d'honneur. L'auteur s'oppose à ceux qui essaient de trouver une justification religieuse pour de tels comportements et estime que dans ces cas, « le message originel a été trahi » car ces pratiques sont « opposées à l'islam » (p. 64).
L'auteur favorise une implication importante des femmes dans la vie sociale et estime qu'elles sont dans leurs droits lorsqu'elles demandent un accès libre à l'éducation, la parité dans les salaires, qu'elles militent contre la discrimination dans le monde du travail. Qu'on appelle ce combat le « féminisme » (concept auquel ne s'oppose pas Tariq Ramadan) ou plus simplement le combat pour des droits légitimes, il est – selon l'auteur – primordial à ses yeux (p. 65).


Ce combat pour la liberté de la femme doit être mené, même s'il aboutit à ce que les femmes puissent faire des choix qui ne seront pas toujours compris par les hommes. Cette lutte doit permettre aux femmes d'atteindre leur autonomie et leur liberté d'action (p. 66).
L'auteur aborde le sujet de l'intégration des populations musulmanes issues de l'immigration. Il note qu'après plusieurs générations passées dans un même pays, on devrait dépasser le discours sur l'intégration des musulmans qui renvoie toujours à une différence et à la notion du « eux » contre « nous » (p. 68). Plutôt, il préfère une approche plus globale.
Ainsi, c'est l'histoire officielle de chaque pays qui doit intégrer les mémoires multiples de ses citoyens (nouveaux et anciens) ; à cette fin, il est important de faire mention de leurs passé, leur richesse culturelle et intellectuelle, de valoriser leur présence et ce qu'ils apportent à leur pays... Tout cela doit servir un seul objectif : faire que les musulmans se sentent entièrement chez eux au sein des sociétés dans lesquelles ils évoluent (p. 69).
C'est au niveau local – selon Tariq Ramadan – que ce sentiment d'appartenance peut se développer le plus facilement. Les initiatives municipales dans les domaines du marché de l'emploi, des médias, des relations entre les différentes religions... doivent donc être mis de l'avant. De fait, les tensions qui mettent l'accent sur des communauté spécifiques et qui font souvent la une des journaux ne se retrouvent pas au niveau local (p. 71).
Les musulmans également doivent êtres actifs dans ce domaine. De fait, l'auteur suggère à ses compatriotes d'apprécier à sa juste valeur la langue (qu'ils doivent savoir parler), la culture et les lois du pays dans lequel ils vivent. D'autre part, les discours tenus dans les mosquées doivent permettre aux musulmans de se sentir à l'aise en étant musulmans et citoyens de leur pays (p. 73).
L'auteur aborde le sujet des discriminations dont sont victimes les musulmans. Pour lui, s'il ne fait aucun doute qu'ils sont des victimes, ils ne doivent pas pour autant adopter une mentalité qui va de pair. Plutôt, ils doivent s'affirmer et s'assurer que leurs droits sont respectés (p. 75).
Cette lutte est rendue difficile à cause de la classe politique qui manque du courage nécessaire afin de réaliser les véritables réformes qu'elle devrait. Obsédés par la date des prochaines élections, les politiciens donnent un aspect culturel ou islamique à de nombreux problèmes qui, en réalité, sont simplement sociaux (p. 75).

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